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Dimanche matin
01:38
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Rentrer chez soi
03:00
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Lumière de fin de jour d’été, allongée sur les champs qui défilent par la fenêtre. Ma tête et mon coeur allégés de se fondre au mouvement, de voir loin devant. Ça aide à passer les grands dérangements. Tant qu’à être obligée d’avancer, aussi bien s’aider d’un moteur. Mon visage que le vent effleure, comme s’il restait dedans de ta chaleur. Même si je ne suis pas sûre de croire à tout ça. Tes grands bras qui me réconfortent dans la lumière du soleil. Tes grands bras comme un abri lumineux. Même si je ne suis pas sûre de croire à tout ça. Rouler jusqu’à s’arrêter devant là où j’ai vécu, enfant. Il est venu le temps de rentrer chez moi.
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3. |
Le parc
05:07
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T’es arrivée, t’es venue me visiter au milieu du parc, au milieu du jour. J’ai lâché ma cigarette, l’ai écrasée. Je me suis demandée si t’avais remarqué. Main dans la main de mon père, tu souriais silencieuse. Y’avait cette vapeur dans l’air de quand l’heure est précieuse. Vous alliez vous promener sur la montagne, voir l’été, sentir la terre. Une marche sous les feuilles des érables trop grandes et trop molles au mois d’août. C’était pas comme d’habitude, la façon dont tu lui tenais la main. Non c’était pas ton habitude, toi qui ouvrais plutôt le chemin. T’avais l’air en paix, mais fragile comme un oiseau. Vous étiez comme la brise, frissonnants, vous étiez beaux. C’était pas comme d’habitude, la douceur frêle dans ton regard. Plus d’énergie pour l’inquiétude, toi qui portais les grandes batailles. Vous êtes allés vous promener sur la montagne, mais t’as eu du mal plus tôt que prévu. Il a fallu te ramener à l’hôpital. C’était ta dernière promenade.
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4. |
Le souvenir
04:15
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Parfois, je perds ton visage. Je dois forcer pour me souvenir. Ça fait toujours mal de devoir chercher, de courir après la clarté de ton image. Dans ce temps-là, je repasse à l’intérieur de moi les films d’enfance, ceux que je connais bien. Je pense à toi avec ta grande chemise
que tu portais parfois comme une robe à la maison, l’été. Et puis je me rappelle de toi au loin, sur la rue Maisonneuve, qui venais à ma rencontre à ton heure de dîner. Je me rappelle de toi au loin, sur la rue Maisonneuve, belle, dans la lumière de mai. J’ai rêvé à toi dans un bain. Tu faisais peau neuve. L’eau claire avait tout lavé. Elle avait tout réparé. J’ai rêvé à toi dans un bain. Tu faisais peau neuve, belle, puis je me suis réveillée.
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5. |
Les alentours
03:20
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Des ados à vélos. Trois sur la même selle. Les cheveux au vent. Ils ont l'air d'aller cherhcher le trouble ailleurs. En remontant Ste-Hélène, tout, me semble, en arrache. À part le garage, la piscine, tout se meurt, comme si la vie prenait ailleurs. Y’a rien qui se ressemble dans le coin. Des maisons scrap, presque à l’abandon, à côté des riches et leurs monstres de maisons, qui élèvent des grands murs et tirent les rideaux. Peut-on leur en vouloir de vouloir garder le trouble ailleurs?
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6. |
La navette
02:51
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Tous les jours, ma tante venait me chercher. Elle m’amenait à toi et me ramenait le soir à la maison. Pendant la route de trente minutes que l’on faisait deux fois, on restait tour à tour dans le silence. Je baignais mes yeux dans les champs de bords d’autoroutes. Dans l’espace entre deux, je me préparais un peu. Et entre deux silences, pour changer l’atmosphère, on écoutait parfois Chloé Sainte-Marie chanter Miron. Et dans l’écho de ces airs vaporeux qui parlaient d’existence, j’essayais de me faire à l’idée de l’absence.
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7. |
Madeleine
03:56
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C’est étonnant comment les personnes prennent des rôles différents autour de soi, en temps d’adversité. À l’annonce du diagnostic, certains de tes amis dans les plus proches ont déserté, ont fui comme crabes dans le sable devant le danger. C’est étonnant comment chacun emprunte un chemin différent face à la peur qui se dresse devant. Étonnant comment ces personnes, qui t’ont pourtant aimée, au moment clé, ont déserté, enfouies. Mais Madeleine, dans les derniers mois de ta vie, venait te voir presque à tous les jours. Madeleine, dans le dernier droit de tes nuits, était de garde à son tour. Madeleine, c’était sa fête hier, on m’a dit, ou plutôt, ça l’aurait été. Madeleine, elle est partie aussi, j’ai appris, l’an dernier.
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8. |
Partout
04:32
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Ce soir-là, j’étais rentrée. Y’avait trop de monde. On aurait dit que ça te retenait. Je suis rentrée chez moi. Fatiguée, je me suis déshabillée. J’ai pris ma douche. Puis le téléphone a sonné. Tu étais partie. En robe de chambre, les cheveux mouillés, je suis sortie sur le balcon.
Je me suis assise le dos appuyé sur la porte, la porte-patio, et j’ai souri et j’ai pleuré. Et en regardant les murs de briques des appartements, les ampoules suspendues au-dessus des terrasses, je pouvais presque sentir les atomes vibrer. Je pouvais presque sentir la matière bouger. Je pouvais presque sentir la planète tourner. T’étais partout. Partout.
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9. |
Les eaux claires
03:33
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Après ton départ, j’ai rêvé éveillée. J’ai vu une rivière, entendu le torrent. Je me suis rappelée l’eau claire, l’eau froide qui prend tout le temps le chemin le plus simple. L’eau qui va là où
y’a moins de résistance. Là où il reste de la place. Là où la rivière fuit sous la glace. Là où il reste encore de l’espace. Là où la rivière fuit sous la glace. Faire comme elle, me fondre au mouvement. Me glisser là où l’espace se trouve. La rivière qui coule. Je n’appartiens plus à personne. Personne ne m’attend plus, personne.
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10. |
Tu aurais 65 ans
02:48
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Chloe Lacasse Montreal, Québec
Chloé Lacasse sort un premier album instrumental Les glaces (2022). Découvrez ses trois albums de chansons ici : Les eaux claires (2021), LUNES (2014) et son album éponyme (2011) ici.
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